Les sociétés créoles se sont historiquement construites dans un rapport de subordination aux États coloniaux qui les ont vu naître, et cette tutelle, même conflictuelle ou contestée, demeure constitutive des formations contemporaines.
Parcourues d’une histoire souvent violente, qu’il s’agisse de l’éradication des populations autochtones — la Guyane reste à ce titre une exception —, de la déportation d’esclaves ou de l’ instauration d’une économie basée sur le travail forcé avec laquelle ne rompt pas nécessairement l’émancipation politique des esclaves au XIXème siècle, les populations créoles restent convaincues du peu d’intérêt que leur voue le pays de rattachement et dénoncent sans cesse l’instrumentalisation dont elles pensent faire l’objet.
Sociétés paradoxales en mal d’histoire, souvent tragique, et d’origines, plutôt incertaines, elles peinent à s’autonomiser, tant au plan politique et économique que dans les domaines culturels et symboliques.
Les Guyanais n’échappent pas à cette réalité. A ceci près qu’ils ont en outre depuis quelques années à se mesurer à cet encombrant voisin brésilien que la France leur tend en modèle de développement alors qu’ils se sont appliqués à l’ignorer pendant des décennies. Particulièrement exemplaire du malaise guyanais, la relation nouvelle au Brésil traduit les contradictions qui pèsent sur les habitants du département.
Dans le jeu triangulaire qui se noue entre Guyane, France et Brésil, se révèlent les ambiguïtés d’un modèle imposé — brésilien en l’occurrence — que les Guyanais rejettent consciemment tout en le reproduisant indirectement. Entre identités assignées et identités revendiquées, c’est en définitive à une réflexion sur la domination symbolique que doit nous conduire l’exemple guyanais.